En 2017, après quatre années d’expérimentation d’un Fablab en milieu scolaire et après une montée en puissance progressive du tiers-lieu Fabulis, j’ai cherché un moyen de renforcer la communauté en travaillant sur des points qui me semblent incontournables :

  • La documentation des projets réalisés,

  • La mise en réseau des apprenants,

  • La valorisation et la reconnaissance des apprentissages formels et informels des apprenants.

Dès le début de l’aventure en 2013, j’ai mis l’accent sur le fait que la valeur ajoutée de Fabulis n’est pas les machines de fabrication numérique et autres outils numériques, mais clairement les personnes qui les utilisent et leurs usages.

Il m’a fallu un long pèlerinage pour rencontrer deux personnes qui m’ont fait découvrir les Open-Badges, Phillipe Petitqueux et Serge Ravet.

Voici ma première expérimentation avec les “Open-badges” qui dans cette première phase ne représente que la partie visible de l’iceberg.

Mon souhait n’est pas de vous expliquer ce qu’est un open-badge, mais simplement vous faire un retour de mon expérimentation.


Mon expérimentation a été menée avec le standard ouvert mis en place par la Fondation Mozilla à l’aide d’une interface de gestion des Badges fermés qui est Badgelist.

Pourquoi, j’ai utilisé cet outil ?

  • Par manque de moyens financiers. Seulement 25$ pour gérer un maximum de 100 utilisateurs.

  • La volonté de tester le potentiel des open-badges dans un environnement restreint aux seuls usagers du tiers-lieu (la majeur partie des apprenants étant des mineurs).


Création des Open-Badges

La création des Open-badges se fait facilement, pour moi, deux outils sont indispensables :

- Les Canevas d’aide à la création de Serge Ravet.

- Un site pour réaliser rapidement le graphisme.

La charte graphique n’est pas à négliger, je la standardiserai plus dans mes futures expérimentations, afin que les utilisateurs des badges (récepteurs et appréciateurs) reconnaissent au premier coup d’oeil de quel émetteur ils proviennent.

Outre le graphisme, la réflexion sur la typologie des badges (Image 1) est essentielle afin de refléter au mieux le parcours d’apprentissage des usagers du tiers-lieu. Les badges que j’ai créé sont essentiellement des badges de capacité (connaissances et compétences) et des badges de réussite (tâches ou cours réussis). Je me suis contraint dès le départ à demander au minimum une évidence par badge. Je n’ai pas créé de badges d’appartenance (adhésion et valeur) qui me semblent indispensables avec du recul pour faciliter la création d’une communauté autour d’un tiers-lieu comme Fabulis. Ces badges dits d’appartenance n’ont pas à mon sens obligation de demander une évidence pour leur obtention.

Image 1

Image 1


Un exemple d’utilisation

L’apprenant a accès au catalogue de badges et choisit un ou plusieurs badges qu’il souhaite obtenir suivant le parcours d’apprentissage qu’il désire mettre en place pour les besoins de son projet.

Dans notre exemple, le badge reconnaît que l’apprenant a suivi un tutoriel et a utilisé l’application Sketchbook pour réaliser une première oeuvre graphique.

Il y a un bref aperçu de l’outil abordé et des consignes. Il voit que 14 personnes sont en train de passer le badge, que 13 autres ont obtenu le badge et 2 apprenants ont soumis leurs évidences en vue de l’obtention du badge. Ainsi il peut rentrer en contact avec les apprenants qui sont dans le même parcours afin d’effectuer un mentorat (Image 2).

En réalisant les parcours de badges, j’ai voulu rendre les personnes un maximum autonomes dans leurs apprentissages. J’ai souhaité qu’ils puissent se lancer à n’importe quel moment de la journée sur un parcours sans obligatoirement qu’ils aient besoin de la présence physique d’un pair ou mentor pour les accompagner. J’ai donc réalisé des tutoriels vidéos pour tous les badges de découverte. Ainsi les apprenants peuvent commencer leur parcours d’apprentissage quand ils veulent et où ils veulent à condition qu’ils puissent accéder à une connexion internet.

Vous avez remarqué que j’ai catégorisé les badges par niveau 1, 2, 3 et Master. A refaire, je changerais par des noms comme explorateurs, architectes…afin de minimiser l’effet de hiérarchisation des apprenants dans leurs parcours.

Image 2

Image 2

Information dans l’Open-Badge

L’usager du Fablab désirant s’engager dans un nouvel apprentissage, rejoint donc le badge correspondant à son besoin. Il a alors accès à des informations (Image 3) lui permettant de réaliser une évidence et éventuellement d’obtenir le badge. Dans notre exemple, réaliser un dessin ou un schéma sur une tablette à l’aide d’un tutoriel vidéo. Chaque personne qui passe le badge peut accéder aux évidences des autres bénéficiaires (si les bénéficiaires l’acceptent dans badgelist)

Image 3

Image 3

Ce sont les évidences, qui peuvent être partageables et visibles par d’autres apprenants, qui m’ont en partie fait expérimenter ce système d’open-badges.

La documentation est très complexe à mettre en place dans un Fablab, qu’il soit fréquenté majoritairement par des adultes ou des adolescents. Chaque apprenant dans un fablab est pris par ses projets qu’il désire avancer et finaliser le plus rapidement possible. Ils ne prennent pas forcement le temps de documenter les différentes expériences, réussies ou ratées, qui les amènent à acquérir un certain nombre de compétences, savoir-faire, savoir-être.

Pour utiliser les outils de Fabulis, je demandais systématiquement que les usagers soient formés et valident cette formation par un open-badge, ainsi leurs premières réalisations étaient documentées par les évidences demandées. Cette documentation a vraiment permis de désacraliser l’utilisation des outils de Fabulis. J’ai observé depuis presque 10 ans, que ce soit dans un Fablab en dehors de l’EN ou en établissements scolaires, qu’une grande partie des nouveaux visiteurs sont très intéressés par la technologie employée dans les Fablab, mais ils ont malheureusement peur de se lancer. Donner la possibilité aux usagers de se lancer dans un parcours d’apprentissage et de voir les réalisations de leur pairs, facilitent grandement le passage à l’action.


L’écosystème des Open-Badges


Dans mon expérimentation, je n’ai pas utilisé un outil permettant réellement de travailler directement avec un écosystème. La visibilité des badges obtenus par les apprenants n’est visible que par les usagers qui sont enregistrés dans le groupe Fabulis sur badgList. Mon expérimentation s’approche “des ceintures de compétences de Fernand Oury” enrichies par l’usage d’outils numériques.

Il est tout de même possible de donner à apprécier des badges obtenus sur des réseaux sociaux, de les afficher sur un blog avec un code d’intégration ou de les transférer dans un BackPpack de Mozilla. (Image 4)

Image 4

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Cette première expérience avait comme objectif de tester l’intérêt des apprenants pour ce dispositif, comment ils se l’approprient ? et surtout comment un jeune public le perçoit ?

J’avais quelques appréhensions, une certaine crainte à rajouter une contrainte de plus à des apprenants qui étaient déjà dans un système scolaire et un environnement d’apprentissage chargé de règles et d’outils. Les personnes qui fréquentaient le Fablab, respectaient une charte de sécurité et de vivre ensemble. Je leur laissais une totale liberté sur les tâches effectuées, sans aucune obligation de réaliser un projet en lien avec un référentiel de compétences.

L’introduction des open-badges a été très rapidement comprise et utilisée par les utilisateurs du lieu. Très vite, ils ont apprécié que leurs réalisations et nouvelles compétences soient valorisées et visibles par leur pairs. Le tiers-lieu était fréquenté par 70 utilisateurs, parmi eux 37 se sont inscrits sur la plate forme et se sont lancés dans un parcours d’apprentissage reconnu par les open-badges.

Au bout de 3 mois, certains élèves me demandaient de créer des badges pour valider les tâches et projets réalisés.

J’ai formé trois personnes cette semaine à la programmation du drone et vous n’ avez toujours pas créé un open-badge pour valider leurs nouvelles compétences…Je peux créer le Badge si vous voulez ! ( élève Emré C.)

A ce stade de l’expérimentation, j’ai compris que les open-badges étaient clairement acceptés par la majorité des apprenants fréquentant le Fablab. Cependant, il restait un travail conséquent pour rendre les utilisateurs de la plateforme plus autonomes, pour que les réalisations et les compétences reconnues par les open-badges soient visibles par un plus grand nombre (entreprises, associations, universités…) voir reconnues par un endossement. J’ai donc continué mes recherches et j’ai rencontré Eric Rousselle qui développe au sein de l’entreprise Discendum un portefeuille de badges OpenBadgePassport qui, pour moi, au fil des évolutions s’apparente à un véritable e-portfolio.

Je vous invite donc à poursuivre cette réflexion sur le forum de la communauté des Tiers-lieux Edu.